En direct et en public sur Mouv’ Xtra : Les mots du Rap
Vendredi 27 mai, rencontre à Radio France pour décortiquer le lexique des rapeurs. C’est en direct sur Mouv’ Xtra, préparé et magistralement orchestré par le duo Olivier Cachin et Yasmina Benbekaï, maintenu malgré la polémique autour du concert de Black M à Verdun. En effet, ici on parle de musique, pas de politique, on ne mélange pas un concert de rap interdit dans une ville française par des groupes de pression qui font des amalgames et l’expression artistique de musiciens français. Voilà, c’est dit !
Que du beau linge pour parler de tout ça devant un public jeune dont le rap est la culture et qui écoute la discussion avec intérêt. Je cite au hasard : Dandyguel, Konhdo, The Shin Sekai, Aelpeacha, Jean Pruvost, le doc Dico de Mouv’ qui analyse les mots employés dans le rap, Marie Debray qui a écrit Ma chatte, lettre à Booba, en réponse aux injonctions de ses chansons, deux chercheurs de l’ENS qui ont créé un séminaire « La plume et le bitume », consacré au rap et à son style d’écriture, Yerim Sar, journaliste de Noisey à qui tu penses bien que je suis allée dire mon kif, je les adore tous, ces mecs !
Le tout ponctué de mix de DJ First Mike, familier de la Maison sur Mouv’.
Qu’est-ce qui ressort de deux heures de discussions ? En France, on a une tradition du texte, alors le rap français met le texte en avant, même si on a énormément copié les Américains dans les années 90. Et oui, ça a commencé dans ces années-là ! Plus de 20 ans ! Toute une génération à présent ! Les fils ont pris le relais de leurs pères pour puiser dans leurs origines, leur héritage, leur culture. Actuellement le rap se mâtine de sons africains et c’est tant mieux, car il évolue. Nous l’avons intégré à notre culture. Autrefois on s’érigeait contre l’Etat, les institutions, les codes de la société, en créant sa propre culture avec son propre vocabulaire. Désormais on fait aussi attention à la musique, le texte est porté par une musique que l’on fignole aussi, Konhdo parle de « musiquer » un texte, il fait l’expérience – et nous la livre de façon remarquable – de la traduction d’une pièce de théâtre classique grec en version rap. Il relève aussi le défi de Bruno Laforestrie, directeur de Mouv’ : du 6 au 10 juin, les mômes, soyez à l’écoute de Konhdo sur Mouv’ et vous allez réviser votre brevet des collèges en rapant ! On a eu droit à un exemple magistral avec la Guerre froide : Jdanov, Staline et Kennedy, la Baie des Cochons et la construction du Mur de Berlin en musique :
Moi je dis « Chapeau ! Bravo ! » et ça me plaît beaucoup.
Ainsi, un vrai travail a été fait sur l’évolution des textes, contrairement aux Etats-Unis, où l’on « jam », on fait du son, certes en utilisant les parlers et les accents locaux, ce qui a fait découvrir l’histoire et la géographie des Etats-Unis à Dandyguel, et il a eu envie de faire pareil. « C’est du boulot », dit Konhdo, « Le rap nécessite une vraie gymnastique intellectuelle ». PNL fait simple, mais quel travail pour arriver à cette simplicité ! « C’est très compliqué de faire simple », renchérit Marie Debray, l’écrivain du groupe. Même si le rap français s’écoute aussi en club, est plus divertissant qu’à l’époque où il criait les revendications des jeunes en lutte, il exprime toujours des réalités dans lesquelles les jeunes se retrouvent. Et il y a aussi de l’argot « local », comme les mots en « aille » du côté de Grigny où « ça graille » veut dire « ça va bien ». Il faut toujours se battre pour s’exprimer, pour exister. Non que la censure interdise les chansons, en France la liberté d’expression est un droit, mais on n’autorise pas les rapeurs à intervenir dans le champ public et, s’ils sont condamnés, c’est pour leurs propos dans une interview à la télévision ou dans un magazine. On n’autorise pas un rapeur à dire ce que peut dire un chanteur de variété ou de rock. Alors que reste-t-il ? Créer et se faire reconnaître en tant qu’artiste. Et ils sont des artistes. Et le rap est un art. Textuel, mais aussi musical. Et du talent, ils en ont. Les performers Odah et Dako nous l’ont démontré en nous mettant à contribution pour leur faire inventer une histoire : avec un héros pour le début d’une histoire dans un lieu – on leur a dit Valbuena à Bamako dans sa voiture ; la fin de l’histoire – Valbuena grandit ; et dix mots pour raconter l’histoire (les jeunes citent « huile d’olive » et, comme l’auteur est sur scène, « Y a pas qu’la chatte », ils ne savent pas que les mots sont des unités lexicales indépendantes… Ah, tu ne le savais pas non plus ? Et ben voilà, c’est bon, maintenant). Et ils nous inventent une histoire du tonnerre :
J’espère t’avoir donné envie d’écouter ce que ça donne, alors voici, plutôt qu’une capta pourrie avec mon phone, de vrais échantillons avec des vrais morceaux de rap dedans :
Et c’est tout frais, ça vient de sortir, Keny Arkana :
Et Dandyguel que j’aime bien aussi :
Et pour écouter DJ First Mike, c’est sur Mouv’, voyez ça sur leur site Mouv.fr ou leur page Facebook pour retrouver les animateurs et les émissions !
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Un commentaire
[…] En France, les spécialistes du genre s’interrogent souvent sur les influences du rap américain sur le rap français, ou comment les uns se sont démarqués des autres. J’ai assisté d’ailleurs récemment à une émission publique qui traitait des mots du rap et qui en parlait, j’en ai rendu compte dans mon article sur Les mots du rap ensuite. […]