Ma langue, ta langue, notre langue
Ma langue
A la naissance, chacun de nous entend parler une langue, la langue maternelle (ah bon, ton père ne te parle pas ? Il faut croire que non… c’est ta mère qui s’occupe de toi…). Cette langue, nous apprenons à la parler à notre tour, en comprenant qu’elle est utile pour communiquer avec les autres. Puis à l’école, nous la développons, avec l’acquisition d’un vocabulaire toujours plus large, de façon à exprimer les moindres nuances de notre pensée et de nos émotions. Nous en apprenons également les différents niveaux : soutenu, neutre, familier, voire populaire ou argotique. En la pratiquant, nous comprenons à quel niveau nous pouvons échanger avec nos différents interlocuteurs – les parents et les personnes plus âgées, les instituteurs, les copains, etc. Un corpus linguistique se forme, en soutien d’une culture spécifique. En l’occurrence, en France, on apprend la culture française. Un exemple simple ? Acheter le pain. Ailleurs en Europe, il se vend en miche, au kilo, ici c’est le pain, la baguette, le bâtard, la ficelle, qui représentent certes un poids déterminé, mais il faut savoir qu’on ne demande pas une livre de pain à la boulangerie. Et j’ai pris un exemple simple à dessein.
Ta langue
Je parle une langue et je te rencontre. Tu viens d’ailleurs. Tu ne parles pas ma langue et je ne parle pas la tienne. Nous parlons, mais nous ne nous comprenons pas. Quelle tristesse ! Alors je veux te tendre la main : j’apprends ta langue. Je fais l’effort de prononcer des sons qui me sont étrangers. Je mémorise une grammaire différente de la mienne où la syntaxe aussi est bouleversée. Petit à petit, je maîtrise des concepts abstraits et affine ma pensée dans cet univers différent, où la langue reflète une culture autre. J’apprends des codes nouveaux. Un exemple simple ? En japonais, il y a le langage masculin et le langage féminin, pas question pour la femme que je suis d’employer certains pronoms ou certaines désinences verbales réservées aux hommes. Ce faisant, je découvre un monde organisé selon d’autres lois, une culture qui ne ressemble pas du tout à la mienne. Je m’ouvre et mon horizon s’élargit. Cela me permet aussi de ne plus juger l’étranger car je le comprends. Et pas besoin de traduction pour avoir accès à une littérature étrangère qui décrit un univers dans lequel je voyage à loisir ! De ce fait, je porte également un regard différent sur ma propre langue car je la compare à l’autre, aux autres que j’apprends. Je vois mieux ses lacunes et ses richesses, je l’utilise de façon plus avisée car je suis consciente des outils qu’elle me propose.
Notre langue
De ton côté, tu viens vers moi en ayant appris ma langue. Nous parlons une langue commune car tu as voulu me tendre la main. C’est toi qui as fait l’effort d’apprendre ma grammaire, ma syntaxe, mes références culturelles. J’apprécie le cadeau, l’effort. Le français vient du latin, ta langue maternelle est peut-être slave, sémite, anglo-saxonne… D’Europe du Nord, de l’Est, du pourtour méditerranéen, d’Asie, d’Amérique, d’Afrique, tu viens chez moi et tu me parles de façon à ce que je te comprenne sans effort. Ainsi, c’est ton horizon qui s’est élargi et ton esprit qui s’est enrichi. Tu peux lire les auteurs français sans traduction et comprendre le monde dans lequel je vis. Cela facilite nos relations car tu me comprends.
Conclusion
Apprenant l’arabe, je m’ouvre à une aire géolinguistique nouvelle et riche. Je tends la main à une culture radicalement différente de la mienne pour la pénétrer de l’intérieur et en comprendre les codes. Je vois la beauté de cette langue ancienne qui n’a rien à envier aux langues indo-européennes. Je découvre en direct une philosophie subtile, une poésie raffinée, une expression littéraire variée. En peu de temps, j’ai pu démonter tous les clichés sur les peuples arabes. N’est-ce pas là l’une des solutions à un « vivre ensemble » pacifique ?