Pivoines : fleurs de la saison, poèmes, motifs stylisés…
Je les préfère rouges, mais les achète de toutes les couleurs car elles sont toutes somptueuses :
Les rouges m’ont éblouies et ont perdu tous leurs pétales en deux jours, je n’ai pu m’empêcher de les conserver encore quelques jours pour leur parfum :
Une seule est restée ouverte, alors je me suis souvenue de mes études de japonais et je l’ai mise en valeur dans un vase, solitaire, mais faute de tokonoma, l’alcôve où une estampe ou une fleur uniques sont mises en valeur, je l’ai posée sur ma table de salon :
Car en effet, comment ne pas penser aux esthètes japonais, aux poètes notamment, qui ont célébré la pivoine dans leurs haikus ! Et en particulier à Masaoka Shiki, dont c’était la fleur préférée, qui la contemplait depuis son lit d’invalide et composait des poèmes à son sujet… Quel triste destin : tuberculeux, mort à trente-cinq ans en 1902, fils de samourai né en même temps que l’ère Meiji qui a vu le Japon se rouvrir au monde extérieur, Shiki a totalement renouvelé le genre que l’on disait moribond, tout en rendant hommage à ses prédécesseurs, surtout Basho bien sûr, mais aussi Buson qu’il a sorti de l’oubli.
Un jour peut-être, vous aurez droit à un article sur la poésie japonaise, mais pour l’instant, mettons la pivoine en vedette :
Soir sur la fleur
de la pivoine blanche
qui étreint la lune.
Gyôdai
Pivoine qui fane
l’un sur l’autre se déposent
deux, trois pétales.
Buson
Du coeur de la pivoine
l’abeille sort
avec quel regret !
Basho
Et enfin Shiki :
Pourquoi ne pas mourir
en mordant dans une pomme
face aux pivoines.
Obscurité de l’alcôve
où se trouvent les pivoines ;
un coucou chante.
La fraîcheur et les couleurs vibrantes des pivoines rappellent à Shiki qu’il va mourir, le corps couvert de pus (sa tuberculose atteignit ses os) et les gencives en sang, du même rouge que les fleurs. Fiévreux, il contemple cette beauté et son sommeil se peuple de rêves inquiets (je cite en anglais, c’est trop beau, dans la biographie écrite par Janine Beichman) :
how like a lovely
young girl it is,
this peony of scarlet red
whose shadow shades
my fitful dreaming.
Et pour terminer sur une note plus gaie, la pivoine a aussi été un motif favori des peintres et des artisans décorateurs. Pour preuve, elle figure en vedette sur le service en porcelaine de Herend appelé Victoria car réalisé pour la Reine d’Angleterre à la fin du XIXème siècle. En voici une illustration :
Profitez vite des vraies, c’est presque la fin de la saison !
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Un commentaire
[…] comme l’un des grands maîtres du haiku, comme je l’indiquais dans mon article sur les pivoines ici, où je citais un poème de Buson […]