Une artiste… et une amie d’enfance

Nous nous connaissons depuis l’aube des temps. J’écris, et elle crochète. Pas des « ouvrages de dames », ça non ! Elle crochète sa révolte, son angoisse, sa colère : de l’art contemporain en maille ! Nous échangeons nos points de vue sur la vie, le monde, l’art, depuis nos années de collège. Au lycée, l’un de nos profs nous a dit « ne perdez pas votre flamme ! ». Il serait content : nous ne l’avons pas perdue !

Avec un crochet, Lya peut faire ce qu’elle veut. Et loin de se contenter de cette habileté avec la laine, elle crée un concept, elle développe une vision du monde. Partie d’une chenille qui sort de son cocon, voit notre monde et décide de retourner dans son abri, performance réalisée dans les années quatre-vingt, elle pose dans des écoles d’art et impose de ne pas être nue, mais vêtue de ses créations, sa propre affirmation de soi : la bouée qui lui ceint le corps et lui permet de surnager dans un univers qui nous noie.

Elle crée ensuite des chapeaux qui, plus qu’un couvre-chef, sont une affirmation, une déclaration à la face du monde. Laine mèche en torsades, pans repliés les uns sur les autres, volutes et macarons… avec toujours un orifice au centre de la tête : elle sait que la chaleur du corps s’évacue par le haut du crâne, un orifice à cet endroit retient la chaleur dans l’entonnoir et permet de garder tout le corps au chaud.

La bécornette

Arrive cette création impressionnante, le début d’une aventure artistique sans précédent : la bécornette. Mais laissons Lya la décrire :

Le bonnet bécornette est une forme, issue de mes anciens spectacles.
Ce bonnet Ibérique, protéiforme croise le taureau, le canon, la croix, une sorte de béret- poulpe des montagnes.                                                                 Il construit, à plat, une figure féminine avec 2 ronds et une figure masculine avec 2 bâtons, souvent reliés.                                                                     Je réalise les fragments du bonnet bécornette en 3 dimensions différentes, en respectant le même nombre de points pour les formats (petit, moyen et grand).                       « Au commencement il y avait un bonnet bécornette… »

Le voici tel que photographié pour l’exposition actuelle à Salisbury, en Angleterre :

becornette001

Décomposé, ce bonnet permet de recomposer le monde : non seulement l’homme et la femme, mais des animaux, des objets… l’intégralité de ce qui existe ! A partir d’un objet existant, la bécornette, le monde commence. Lya l’explique ainsi : « En posant habillée, avec des bouées et des robes tubulaires, j’ai transformé le temps en objet. Il se gonflait et se prolongeait devenant une sorte de perle qui ressemblait au monde. Je l’ai avalée. Cette perle est une différence à vivre. Longtemps après, elle ressort déconstruite. Avec quatre fragments à plat, j’invente l’origine du monde : « Start from the end ».  » Voici pour exemple « l’homme » ou « start from the end n°7 » avec 6 éléments du bonnet de départ :

l'homme

Artiste en résidence à La Roche Guyon, elle s’inspire du colombier pour créer des pigeons, toujours à partir des éléments de la bécornette, et crée une horloge anglaise pour Salisbury, à voir jusqu’au 23 février, à côté d’autres oeuvres, comme cette croix et ce corps féminin :

horloge anglaise                                                     croix et femme