Bravo à Bob Dylan pour son Nobel de Littérature mérité !
Tout d’abord, on ne parle pas de n’importe qui ici ! Et deuxio, grincheux et mesquins s’abstenir, je suis très très contente et voici pourquoi :
Le jeune Robert Zimmermann commence sa carrière sous l’égide de la poésie, puisqu’il prend le pseudo de Dylan en hommage à Dylan Thomas, écrivain gallois mort à 39 ans à New York de complications de son alcoolisme, l’un des très grands poètes du milieu du XXème siècle.
Ensuite, croyez-vous qu’il joue de la guitare et de l’harmonica pour jouer des bluettes country ? Que nenni ! Il s’inscrit dans cette noble tradition des musiciens qui écrivaient des protest-songs au début du siècle dernier, parcourant les Etats-Unis pour jouer devant un public d’ouvriers et de travailleurs agricoles, exprimant leur misère, leurs combats contre les capitalistes sans pitié, racontant leur pauvre condition et se faisant la voix du puissant syndicat des années 20-30. Alors je suis persuadée qu’au Paradis, Woody Guthrie et aussi Pete Seeger à qui je rendais hommage ici le soir de sa mort dans un article musical, ont dû trinquer à sa santé hier soir !
Conscience politique, oui, mais aussi sens du rythme de la langue anglaise, virtuosité linguistique dans l’usage de métaphores comme dans Mr Tambourine Man, The Times they are a-changin’ ou encore le fameux A Hard Rain’s gonna fall prémonitoire dans les années soixante car la pluie violente – mort des océans, bombes, mépris de l’individu, absence de solidarité – nous sommes en train de nous la prendre sur la figure. Alors, n’en déplaise à certains, M. Bob Dylan est un poète, un poète qui chante comme d’autres d’ailleurs (je pense à Patti Smith qui disait que, si elle la chante, sa poésie aura plus de chances d’être diffusée).
Les poètes de la Beat Generation ne s’y sont pas trompés, accueillant Bob Dylan parmi eux, le voyant comme un continuateur de leurs efforts pour écrire autrement, pour parler d’une Amérique révoltée, solidaire, fantaisiste pour laquelle l’argent ne fait sûrement pas le bonheur. Allen Ginsberg apparaît même dans l’une de ses vidéos, c’est dire si le parrainage est prestigieux !
Etait-ce prémonitoire de ma part ? En début de semaine, lasse d’avoir les chansons de Dylan en tête, j’ai réécouté son cultissime Greatest Hits et j’ai failli partager sur Facebook A Hard Rain’s gonna fall. Et bien la voici, les jeunes, prenez-en de la graine, les moins jeunes, rappelez-vous cette époque où nous étions contre l’establishment et voulions vivre en communauté pour échapper à ce monde capitaliste que nous vomissions. C’était l’époque de la guerre au Vietnam et chaque soir, nous voyions les images des bombes américaines tomber sur les rizières et tuer des innocents. Les chansons de Dylan ne sont-elles donc pas d’actualité maintenant que nous voyons d’autres bombes tomber sur un autre pays et tuer des innocents ?
Les jurés du Prix Nobel de Littérature ont-ils voulu un geste politique en récompensant un auteur de chansons protestataire juste au moment où les Etats-Unis sont engagés dans une cynique et sinistre course à la Maison Blanche ? Dylan a-t-il raison en disant aux hommes politiques de se pousser du chemin parce que The times, they are a-changin’ ?
Dénonçons donc avec lui ce que le monde dans lequel nous vivons comporte d’injustices et de violences. Oui, la pluie est violente :