L’arabe : y a des hauts… y a des bas…
LES BAS
Il y a des jours où je ne me souviens de rien, je ne comprends rien, je n’arrive pas à lire, des mots simples m’échappent. Et puis ces satanées vidéos ! Je dois écouter et noter ce que j’ai compris. Alors je note un mot par-ci, par-là. De son côté, Tarek écrit des expressions que je dois identifier au passage. J’en entends à peine la moitié. J’ai envie de pleurer, il s’obstine, c’est une torture.
Forcément, sur Al Jazeera ou France 24 arabe j’ai le support de l’image donc je vois à peu près de quoi il est question. Je vais d’ailleurs arrêter car ça finit par me gêner de ne pas savoir qui a tiré sur qui en Syrie, ou d’avoir l’interview d’un spécialiste dont je comprends juste où il est et qu’il nous souhaite une bonne soirée pour finir.
Et ma deuxième évaluation est une catastrophe ! Je n’ai rien compris aux phrases écrites (je ruse en inventant, mais ça ne marche que rarement). Je me rattrape en dissertant sur « Le livre est un ami », mais bon… je suis très choquée de ma mauvaise performance et Tarek plutôt surpris. Alors on arrête tout ? Non mais, ça va pas ?! On s’y remet de plus belle, oui !
LES HAUTS
Je lis un texte de Ghazali ! du Nagyib Mahfouz ! du Alaa al Aswany ! La philosophie et la littérature arabes sont à ma portée !!! Je manipule toutes les formes verbales, je comprends comment se construit un adjectif, je devine le sens d’un mot en reconnaissant sa racine – bon, quand j’en connais le sens, mais quand même ! Au fur et à mesure, Tarek me donne des références bibliographiques, je dévore Le sabre et la Virgule de Chérif Choubachy, L’arabe de Djamel E. Kouloughli, mais aussi en fiction J’aurais voulu être Egyptien d’Alaa al Aswany que j’adore, et comme j’ai la chance de pouvoir lire des traductions de l’arabe en anglais, Brooklyn Heights de Miral Al Tahawy ou encore ce récit d’une journaliste sur les événements de janvier 2011 trouvé par hasard chez Galignani, dans leur excellent rayon d’histoire contemporaine.
Et c’est alors que… Tadaam ! Un beau soir de l’hiver finissant, la nuit tombait, nous étions concentrés, en tête-à-tête, plus un bruit autour de nous, Tarek me reparle de morphologie. Il m’explique comment un tableau répertorie toutes les formes verbales à partir de trois syllabes. Je patauge sur son premier exemple mais comprend d’un coup et résout le deuxième toute seule : je saurai désormais enlever avec certitude les syllabes rajoutées à la racine et comprendre à la fois la forme et le sens du mot sous mes yeux ! TOUT est là ! J’ai la clé pour entrer dans le jardin extraordinaire de la langue arabe ! Je défaille d’émerveillement et mon professeur à la sage sérénité me laisse à mon extase (ce sont ses mots) et range tranquillement ses affaires. Ah le frisson ! J’ai mis des semaines à m’en remettre, j’en ai parlé à tout mon entourage qui hochait tristement la tête, l’air de dire « cette pauvre Domi, elle est bien malade, mais bon, laissons-la à son délire, faisons semblant de nous réjouir avec elle ».
Après, c’est du fignolage de savoir que tel verbe appartient à telle forme (il y en a 10), que le redoublement de la syllabe centrale rend le verbe factitif et, comme le factitif est transitif en arabe, plus besoin de préposition…
J’en ai fait des exercices et des exercices avec toujours le même plaisir : c’est magique, ça marche à tous les coups !!! Et c’est une référence de chaque instant, raccourci fantastique pour éviter une longue explication sur telle ou telle forme au milieu d’un texte.
Je ne résiste pas, je sais que vous l’attendiez, le voici, ce tableau, La balance morphologique !